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Les films de Bellaciao : "Au prochain printemps"
par Bellaciao
Publie le mercredi 4 avril 2012 par Bellaciao - Open-PublishingSynopsis du film Au prochain printemps
Du monde comme il va, de la chance qu’on a, de l’ENA, des Weston aux pieds, de la vierge Marie mère du Che, des ronds-points, de l’énergie pour les chinois, des mauvais délinquants et des bons footballeurs, de ceux qui parlent d’amour, des passages piétons, de l’abolition du salariat et du patronat, du roman national, du socialisme, de la liberté, des pauvres et de la bourgeoisie, des routes départementales, de Martin Luther King… 36 semaines dans la vie d’un pays qui va se choisir, pour 5 ans, un président nouveau. Quelle était la question au juste ? Inventaire avant élection.
Note du réalisateur :
Un territoire : "Le pays, c’est aussi un territoire aménagé, conçu, pensé, construit par des gens, des paysans, des ouvriers, des ingénieurs, des architectes. Il suffit de s’y promener, inutile de le survoler, pour constater à quel point notre territoire est sophistiqué, complexe et parfois même raffiné. J’ai cherché à le filmer de la façon la plus simple possible, prendre les choses pour ce qu’elles sont sans chercher à y ajouter une quelconque esthétique. Et voir. Il faut se projeter pour édifier des ponts, construire des barrages, tracer des routes ou des voies ferrées, ouvrir des cols, aménager des villes. Il a fallu que les gens se fassent une idée de l’avenir. Avec le temps, les infrastructures dépassent de loin, en valeur poétique, ce pour quoi elles ont été pensées et construites. Nous en avons l’usage et ça change tout. C’est cette dimension que j’ai cherché à explorer. C’est quelque chose qui me semble, aujourd’hui, faire grandement défaut à la question politique...
ESPACE SAINT-MICHEL
7, place Saint-Michel / 75005 Paris
métro Saint-Michel
Tél : 01 44 07 20 49
SALLE 2 : "AU PROCHAIN PRINTEMPS" de Luc Leclerc du Sablon
Mercredi/Dimanche/Mardi : 14h30 et 20h00
Jeudi : 20h00
Vendredi/Samedi : 12h45 et 16h30
Lundi : 16h30
Dimanche 8 avril, séance de 20h suivie d’un débat avec le réalisateur.
http://cinemasaintmichel.free.fr/horaires/frame.htm
Luxy
77 av. Georges-Gosnat, Ivry-sur-Seine
"AU PROCHAIN PRINTEMPS" LUNDI 9 AVRIL A 18 H
Soirée organisée en partenariat avec Les Amis de l’Huma Projection suivie d’une rencontre avec le réalisateur Luc Leclerc du Sablon et Thierry Letellier, éleveur de brebis, maire de Lavilledieu, commune rurale du Limousin.
Année : 2011
Date de Sortie : 28 Mars 2012
De : Luc Leclerc Du Sablon
Genre : Documentaire
Pays de production : France
http://www.auprochainprintemps.com/
http://www.niz-lesite.com/AU-PROCHAIN-PRINTEMPS-rub-CINEMA-art-9.html
« Je suis un promeneur curieux des autres »
Entretien réalisé par Jean Roy
Luc Leclerc du Sablon a filmé le pays, son pays, la France lors des précédentes élections présidentielles. Cinq ans plus tard, le film n’a rien perdu de sa pertinence. Bien au contraire.
Comment est né le film ?
Luc Leclerc du Sablon. En avril 2002, quand j’ai vu le visage de Jean-Marie Le Pen à la télévision, je me suis dit : je suis de ce pays-là, qui envoie ce signe-là et pourtant ce gros visage ne suffit pas à raconter la réalité, la complexité, le mystère de ce pays. J’ai eu envie d’aller voir de plus près, au plus près. Mon intention était de faire un film politique. Une contre-expertise. En 2005, mes producteurs, Pascal Thomas et Nathalie Lafaurie, sont partants. Il y a l’élection présidentielle en 2007, le film obtient l’avance sur recettes et je pars tourner dès septembre 2006 jusqu’au deuxième tour d’avril 2007.
Qu’entendez-vous par film politique ?
Luc Leclerc du Sablon. Je ne suis ni sociologue ni scientifique et encore moins politologue. C’est de la façon de s’adresser aux gens, d’attendre quelque chose d’eux, de les filmer que vient la dimension politique. Pas du discours. Je suis un promeneur, simplement curieux de mes contemporains. Je n’ai pas filmé les QG de campagne ni le personnel politique, ce que d’autres ont d’ailleurs fait très bien. Je suis allé chercher la conscience politique, la réflexion chez les gens réputés « ordinaires ». J’avais besoin d’éprouver ma propre interrogation, mes propres doutes dans ce face-à-face.
Une opération pour réhabiliter la parole du peuple ?
Luc Leclerc du Sablon. Il n’est pas nécessaire de réhabiliter une parole populaire. Elle existe. Elle a toutes les qualités : l’intelligence, la grossièreté, le raffinement, l’humour, la pertinence ou l’insolence… La question politique, la « rupture », ce n’est pas de changer le peuple, mais de s’interroger sur la façon dont on s’adresse à lui. En n’oubliant jamais que celui qui parle ou qui filme en fait partie. Nous formons une société. Comme dans un orchestre, c’est la responsabilité de celui qui le dirige de faire sonner en harmonie tous les instruments. Pas de faire sonner les casseroles !
Comment avez-vous procédé pour réaliser votre « casting » ?
Luc Leclerc du Sablon. Il n’y a pas de science dans cette affaire. Pas de quotas, pas de panel. La seule science, la seule logique, c’est la rencontre. Le hasard fait souvent bien les choses, l’amitié aussi, qui me permet de retrouver des personnes que j’ai filmées dans mes précédents films. Ici, j’ai filmé au Havre, en Bretagne, dans le Pays basque, dans le Limousin et à Bordeaux. À chaque fois, j’ai rencontré des hommes et des femmes intelligents, qui pensent leur vie, leur ville, leur pays, le monde. Et c’est cette conscience forcément politique que j’avais envie de mettre à contribution et à partir de laquelle j’avais décidé de dresser mon portrait du pays.
La séquence d’ouverture du film se passe dans une ferme du Limousin. Était-elle préméditée ?
Luc Leclerc du Sablon. Je ne saurais trop expliquer pourquoi, mais c’est la seule scène que j’avais imaginée, visualisée au moment de l’écriture du projet. C’est la dernière que j’ai tournée, le soir du 2e tour, et je voulais qu’elle se passe dans une cuisine de ferme, parce que c’est pour moi le lieu de vie par excellence, où tout est rassemblé, tout ce qui est nécessaire : la table, le chauffage, le réfrigérateur, les photos de famille, l’horloge et la télévision. Je voulais saisir la distance entre une certaine idée de la vie et cet événement comme il nous est présenté le dimanche soir, à l’heure du repas, à la télévision avec le suspens entretenu dans le bocal.
Pour le premier tour, c’est par hasard que je suis tombé sur l’épicier de Bègles qui installait son poste de télévision dans la boutique. C’est un épicier tunisien, ouvert le dimanche, qui ne vote pas mais qui n’en pense pas moins. Là également, en dépit du suspense savamment entretenu, le commerce continue.
Le film se clôt par le discours du candidat Sarkozy entre les deux tours. Cinq ans plus tard, l’effet est sidérant…
Luc Leclerc du Sablon. Ce discours nous donne à entendre une langue qui n’est pas une langue, qui est une langue morte, des mots qui viennent d’un autre, pas de celui qui parle. Et c’est là qu’est la rupture avec tout ce qui précède dans le film, tout ce que les personnages ont su dire tout au long du film. L’effet produit n’est malheureusement pas le seul apanage du candidat Sarkozy et c’est bien là le problème. La meilleure preuve, c’est qu’à l’époque, c’est Sarkozy qui invoquait un « nouveau rêve français ». Aujourd’hui, c’est François Hollande qui reprend cette formule à son compte.
Les choses ont-elles si peu changé en cinq ans ?
Luc Leclerc du Sablon. En 2006-2007, la crise, l’histoire des subprimes, la question de la dette, les révolutions dans les pays arabes, la faillite de la Grèce, le triple A… rien de tout ça ne faisait la une. Et pourtant, chacun des personnages, à sa façon, exprimait son inquiétude d’un chaos annoncé. Sur la question de la parole politique, ce qui est remarquable aujourd’hui, c’est le boulot fait par Jean-Luc Mélenchon. Et j’utilise le mot « boulot » à dessein. Il fait le boulot. Il s’adresse à ceux à qui il parle. Il ne se contente pas de leur demander leur suffrage. Il leur demande plus. Quelque chose qui appartient à leur intelligence, à leur courage, à leur volonté, à leur humanité.
Le film a été tourné pendant une campagne et sort pendant la suivante. Pensez-vous reprendre le dispositif ?
Luc Leclerc du Sablon. Je n’ai pas la tentation de faire la « suite », mais plutôt de poursuivre sur un ou deux films ce portrait français, une chronique de France. Ça pourrait prendre la forme d’un triptyque sur dix ans de la société française, un peu à la manière de Raymond Depardon avec sa trilogie paysanne.
- Au prochain printemps, de Luc Leclerc du Sablon. France, 1 h 38.
Au prochain printemps, le rendez-vous auquel nous convie Luc Leclerc du Sablon, ne pouvait mieux tomber. D’un printemps l’autre à ceux qui leur succéderont, le cinéaste filme un pays vivant, peuplé, en un panorama dont les mouvements s’accomplissent sans heurts.
Du second tour de l’élection présidentielle de 2007, dont Denise et Robert Ajuste attendent le résultat dans leur cuisine quelque part sur le plateau de Millevaches, au soir du premier guetté dans l’épicerie que Mohamed Ben Khaled tient à Bègles, Luc Leclerc du Sablon explore les territoires tels que les humains les font vivre. Les premiers sont assez vieux pour en avoir vu d’autres. Le second n’a pas le droit de vote malgré ses décennies de labeur. Ils pensent et repensent le monde, à l’instar de tous les personnages du film aux quatre coins de l’Hexagone, comme on dit au café du coin. Certains reviennent de films précédents, d’autres sont des rencontres de tournage au pas de ses bifurcations.
Tout un pays, de fait, se recolore de ces intelligences que le réalisateur débusque. Des paroles s’expriment que l’on ne peut disjoindre des regards, des lieux où elles sont prononcées, du temps singulier qui les modèle et des temps longs de l’histoire. Ainsi de Bachir Bordji, fils de France et d’Algérie, qui ne sait s’il est d’ici ou d’ailleurs lorsque les vagues du Havre lui dessinent Maupassant. Ainsi également d’une coiffeuse d’Arcachon ou d’un poissonnier de Douarnenez, d’une cuisinière de Haute-Vienne née en RDA. Luc Leclerc du Sablon filme souvent le travail, ses gestes dont la force suffit au commentaire. Il capte panneaux, enseignes, ronds-points et voies ferrées, tout ce qui dans le paysage fait signe dans l’élaboration de l’espace commun. Il prélève à l’inattendu sa poésie. Surtout, le mouvement perceptible de ses propres interrogations se confronte à celles de ses interlocuteurs à hauteur d’égalité, liberté et fraternité.
"Au prochain printemps" : échos de France à deux doigts de la présidentielle
Par Jacques Mandelbaum
En 2007, année de scrutin présidentiel, Luc Leclerc du Sablon s’immerge en "France profonde" et entreprend de filmer, au gré de rencontres plus ou moins hasardeuses, l’humeur du pays durant neuf mois. Aucune ambition sociologique là-dedans, une simple déambulation qui témoigne, au moins autant que de l’humeur de ses personnages, du goût du cinéaste pour la balade et la rencontre. Le résultat ressemble à un kaléidoscope tournant sur une heure et demie de film.
De Bègles à Talence, en passant par Douarnenez et le plateau de Millevaches, le réalisateur filme, entre carrefour urbain et passage à niveau, panneau publicitaire et grande surface, des jeunes et des vieux, des actifs et des retraités, des ouvriers et des commerçants, des étudiants et des artisans, dans toutes les situations qui se présentent : au travail, au repos, à la ville, à la campagne, autour d’une table ou dans une arrière cuisine.
Rien de mieux que cette liste énumérative pour faire concrètement toucher du doigt le projet du réalisateur. Avec ses vertus : la rencontre de personnalités fortes et attachantes, les discours frappés au coin du bon sens, les analyses parfois brillantes de la situation économique et politique du pays.
Et ses limites : des personnages qui disparaissent sans avoir eu le temps de se constituer, des propos de café du commerce, la difficulté du film à dépasser l’agrément un peu superficiel de la collection et du papillonage.
En filigrane, ce vieux rêve d’autoriser la parole de tout un chacun à se faire entendre dans l’espace public, en lieu et place des personnes justement autorisées pour le faire. Luc Leclerc du Sablon - était-ce bien utile ? - réinvente le Net au cinéma. Et recycle, tant qu’à faire, un vieux mouvement poétique et humaniste : l’unanimisme, lancé par Jules Romains au début du XXe siècle, pour témoigner de l’âme collective telle que le progrès et la fraternité la reflètent. On sait ce qu’il échut de cette espérance au XXe siècle, espérons du moins un meilleur sort à celle dont rêve Luc Leclerc du Sablon.